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La ferme des enfants - Sophie Bouquet-R

La ferme des enfants ou la pédagogie de la bienveillance

J’ai récemment lu le livre de Sophie Bouquet-Rabhi, « La ferme des enfants – Une pédagogie de la bienveillance ». L’école dont il est question dans ce livre, c’est la fameuse « Ferme des enfants » qui a été le déclencheur pour la création de l’écovillage « le Hameau des Buis » en Ardèche. Dans cet ouvrage, Sophie expose son propre cheminement par rapport à l’éducation des enfants et à la bienveillance, présente le fonctionnement de l’école « La ferme des enfants » et détaille ce que représente en pratique une pédagogie bienveillante. Pour la pédagogue que je suis, en réflexion sur la bienveillance à la maison et à l’école, j’ai trouvé beaucoup d’idées et réflexions qui font écho à mon propre cheminement.

Je vous présente ici quelques uns des principes qui m’ont le plus marquée, mais je vous encourage vivement à lire cet ouvrage en entier pour bien en comprendre la substance et prendre le temps de vous arrêter sur d’autres points que j’ai laissés de côté.

Rapport à la nature et pédagogie de la bienveillance

La ferme des enfants se situe en pleine nature, considérée comme un « référentiel universel d’apprentissage ». Les enfants y sont formés à vivre proches de la nature, en s’occupant du potager, des animaux de la ferme, et en vivant beaucoup d’expériences en extérieur. Ainsi, ils ont de nombreuses occasions d’acquérir des compétences techniques liées à la vie de la ferme, mais aussi de mieux connaitre la nature en l’observant et en s’y connectant avec leurs sens.

Se connecter à la nature

Sophie déplore que les personnes n’ayant jamais pris le temps d’observer le mouvement des nuages ou celui des insectes, de poser sa joue sur la fourrure d’un animal ou de contempler la nuit étoilée soient déconnectées de la nature et donc de ce qui fait l’essence même de la vie. Selon elle, ce rapport distant de l’humain à la nature est un facteur aggravant de la situation écologique actuelle. La ferme des enfants a donc pour vocation de former les enfants à vivre plus proches de la nature, et à « anticiper les conditions de survie des générations futures, rendues difficiles par la dilapidation des ressources et par l’altération de la qualité de la vie sur terre« 1.

Dans cette école, les enfants sont connectés à la nature, certes, mais ils vivent également des relations interpersonnelles basées sur la bienveillance.

L’ambivalence amour / violence

Dans le rapport entre l’humain et la Terre, Sophie note une ambivalence. Tout le monde aime notre planète et s’émeut de la voir saccagée, mais cela ne suffit pas à changer les comportements pour davantage la respecter. De même, tous les parents considèrent leurs enfants comme ce qu’ils ont de plus cher. Malheureusement, cela n’empêche pas certains parents d’avoir des comportements maladroits, injustes ou destructeurs avec leur progéniture. Toute violence éducative ordinaire (cette notion inclut fessées, punitions, chantage, dévalorisation) doit être proscrite, tout comme les maltraitances portées au sol et aux plantes doivent être arrêtées.

Le parallèle entre agroécologie et éducation ou pédagogie bienveillante est fait. L’agroécologie recommande le plus grand respect à l’égard des semences et des plantes.  Le jardinier écologiste est « un humble serviteur » de la nature. De même, en éducation bienveillance, les besoins et émotions de l’enfant sont entendus. L’éducateur renonce à tout autoritarisme pour pouvoir guider l’enfant et lui fournir un cadre de référence clair et bienveillant.

Pédagogie de la bienveillance et autorité

Pour ceux qui ne connaissent pas grand chose à l’éducation dite « bienveillante », en voici quelques principes rappelés dans le livre :

Écouter l’enfant, ses besoins et émotions

Au lieu de nier son ressenti en le balayant d’un « Il fait un caprice », on prend en compte ce qu’il vit et on apprend à l’écouter. Ainsi, on développe une relation de confiance et au passage, on évite le refoulement des émotions qui pourrait faire le nid de diverses névroses… Si vous voulez savoir comment faire en pratique, je vous conseille le très pragmatique « Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent » de Faber et Mazlich2.

Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent

Laisser de l’autonomie à l’enfant

Selon son âge et son degré de développement, l’enfant agit dans un environnement lui permettant de faire preuve de plus en plus d’autonomie et de prendre davantage de responsabilités. Le but, bien entendu, est de lui permettre de devenir un adulte épanoui, capable de faire des choix et de prendre des décisions.

En tant qu’adulte éducateur, faire un travail sur soi

Et oui, l’éducation bienveillante nécessite une prise de conscience de nos automatismes (hérités de notre propre éducation) et un bon lâcher-prise sur certains principes. Il est également nécessaire, en tant qu’adultes, de prendre conscience de nos besoins, car un éducateur dont les besoins seraient étouffés ne pourrait que difficilement prendre en compte ceux de ses enfants ou élèves !

Soigner notre manière de communiquer

Il y a souvent beaucoup de violence dans nos propos, sans que l’on s’en rende compte. Par exemple, dire « Tu es méchant » à un enfant qui en a frappé un autre est violent et déplacé. Il vaut mieux dire : « On ne frappe pas. Si tu es en colère contre lui, dis-le avec des mots, pas avec des poings ». Si vous souhaitez aller plus loin sur ce thème, reprenez le Faber et Mazlich cité ci-dessus, ou bien plongez-vous dans « Les mots sont des fenêtres » de Marshall Rosenberg3.

Les mots sont des fenêtres de Marshall B. Rosenberg

Expliciter les règles

Il s’agit d’élaborer un cadre de vie ou de travail dans lequel les règles sont clairement établies, permettant à l’enfant de trouver ses repères. Et au besoin, établir les règles avec les enfants au fil des situations rencontrées.

Et l’autorité dans tout ça ?

Vous l’avez compris, avec la pédagogie de la bienveillance, l’adulte ne se pose plus en suprême détenteur de l’autorité. Il aide l’enfant dans les différentes situations qu’il rencontre, est garant du cadre de vie ou de travail, et donne son droit de veto sur les questions liées à la santé ou à la sécurité. Il peut aussi se poser en médiateur en cas de conflit en rappelant toujours aux enfants les règles de communication.

C’est en communiquant correctement avec les enfants et en prenant en compte leurs besoins qu’il peut développer une relation de confiance avec eux. Et c’est grâce à cette confiance que les enfants reconnaissent l’adulte comme une autorité. Cela ne les empêchera pas, bien sûr, de ponctuellement contrevenir aux règles établies à l’école. Alors, l’adulte rappelle la règle avec bienveillance. Et si la contravention a des conséquences réparables, il amène l’enfant à assumer cette réparation.

Ainsi mise en œuvre, cette pédagogie de la bienveillance constitue le socle sur lequel reposent tous autres enseignements, dont l’éducation à la nature.

Éduquer à la nature

La ferme des enfants offre à ses élèves un cadre d’apprentissage basé sur une certaine liberté (cadrée, tout de même), incitant à davantage d’autonomie et permettant de vivre de multiples expériences en lien avec les programmes de l’Éducation Nationale. Les apprentissages fondamentaux y sont faits, bien sûr. Mais le livre relate aussi quelques savoureuses idées, comme la pesée du gouter avec la balance Roberval, les rituels du matin en langue étrangère (salutations, comptage des présents) ou encore la sonnerie du midi avec un bol tibétain.

Cette pédagogie de la bienveillance fait également intervenir des personnes de toutes provenances, qui animent différents ateliers en fonction de leurs connaissances et compétences. Ainsi, les enfants peuvent explorer le monde en découvrant le modelage, le tournage sur bois, l’apiculture, l’escalade, le théâtre, la cuisine, ou encore en faisant des expériences de chimie, et j’en passe ! Cette diversité des propositions et les échanges humains qui ont lieu durant ces ateliers contribuent à tisser des liens entre personnes et avec la nature.

Le summum de l’expérience dans cette école se situe dans l’opportunité donnée aux enfants de participer à la vie de la ferme, en apprenant à prendre soin des animaux, à fabriquer du fromage (en passant par l’étape de la traite), à produire et utiliser du compost. Ce faisant, ils mettent en pratique des connaissances directement liées aux programmes scolaires : par exemple, en pesant les rations des animaux. Sophie défend magnifiquement cette pédagogie active en disant qu’apprendre tout cela dans les livres ou sur les écrans, ce serait « comme apprendre avec des mots la définition d’un plat délicieux et subtil sans pouvoir le gouter » (p.100). Elle précise d’ailleurs que transmettre le gout d’apprendre est essentiel, car on apprend toute notre vie, surtout des expériences que l’on vit. Ce que l’on découvre dans les livres vient surtout alimenter notre propre recherche. Ainsi, pédagogie de la bienveillance, pédagogie active et activités dans la ferme et en pleine nature sont liées pour un enjeu majeur dans la formation des générations actuelles :

Former les enfants et les adolescents à devenir des jardiniers de la terre, à prendre en compte les facteurs de santé des écosystèmes dans nos modes de vie et nos comportements (p.101).

Conclusion

J’espère vous avoir communiqué une idée assez fidèle des propos de Sophie Bouquet-Rabhi. En tous cas, je vous invite vivement à lire le livre en entier. Il m’a largement inspirée et je m’y suis retrouvée ! Encore loin d’appliquer tous ces principes, que ce soit dans mon métier d’enseignante ou en tant que parent, je crois fermement à la nécessité d’une pédagogie de la bienveillance et d’un contact accru avec la nature. C’est ce que nous essayons de mettre en place avec nos enfants, par exemple avec des balades dans les collines environnantes ou par l’observation des insectes de notre jardin.

Et vous, de quelle manière rétablissez-vous le contact avec la nature ?


1. Bouquet-Rabhi, S. (2011). La ferme des enfants : Une pédagogie de la bienveillance. Arles: Actes Sud Editions, p.26.
2. Faber, A., & Mazlish, E. (2012). Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent (édition revue et augmentée). Aux Editions du Phare.
3. Rosenberg, M. B. (2016). Les mots sont des fenêtres. La Découverte.

 

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